D’ordinaire, j’aime pas qu’on vienne m’emmerder et jusqu’ici tu te dis « comme si MOI j’aimais, connasse » mais quand on vient me faire chier quand j’écris, je suis prête à tout pour faire payer très cher ce que je considère comme rien de moins qu’un crime envers ma personne. Ça fait beaucoup de mots pour dire que je suis pas baisable mais c’est ça aussi, l’amour du Verbe.
Bref, j’étais seule chez moi, la brise printanière apportant la rumeur des quais de Seine par la fenêtre de mon chureau, absorbée par mon travail et ma playlist spéciale parade nuptiale quand il a ramené sa sale gueule de traitre.
Excursus Géopolitique et Entomologie de nos régions : Tu sais que j’en arrive parfois à rayer des régions entières de la carte, c’est-à-dire que je n’en prononce plus le nom à voix-haute ou n’y fout plus jamais les pieds ? C’est ce qui est arrivé avec la Creuse. Depuis que je suis allée dans la Creuse, je suis pour la filer à Angela Merkel et au peuple allemand.
C’est bourré de frelons, cette connerie de département, t’as l’impression d’être en Guyane, putain. Avec des débiles partout qui se baugent dans des cours d’eaux. C’est le souvenir que j’en garde. Et même si effectivement, j’avais bien deux pieds dans la pillave à cette époque où peu de jours me virent levée sobre, jamais je n’oublierai cet après-midi durant lequel j’ai perdu deux kilos, cet après-midi durant lequel j’ai combattu un frelon.
A mains nues.
En gros, j’ai couru environ trois heures de long en large sur la berge où nous avions garé le camion, en poussant des cris d’orfraie et de ponctuels « Sérieux, Pute, au secours là ! » et je te jure, mon ami(e), que cette espèce de scorpion volant m’en voulait de façon tout-à-fait personnelle.
Je l’ai tué 100 fois, parce que ouais, c’est toujours le même frelon, je reconnais ses petits yeux de merde, chaque fois. C’est comme dans les cauchemars quand tu t’épuises à tuer la grosse bête/ta mère/ton boss/Adrian Paul qui ressuscite tous les putains de quarts d’heure. Fin de l’excursus Géopolitique et Entomologie de nos régions.
Au fil des ans, comme Coyote mais à-moindre-mesure-faut-pas-déconner, j’ai su m’accompagner d’armes de plus en plus sophistiquées dont l’achèvement représente sans conteste possible ma magnifique raquette rose à l’ergonomie insolente qui a la particularité de posséder un petit bouton sur le manche. Mais bon dieu de merde à quoi sert-il, t’entends-je t’écrier, une fois actionné le bouton, la grille envoie donc de légères décharges électriques visant à buter l’ennemi. Enfin, quand je dis « buter » je parle surtout des moustiques et des petites mouches. Si tu smatches pas en même temps, t’as peu de chances de faire autre chose que l’assommer.
Anybref.
J’étais donc tout ce qu’il y a plus peinard et chrétien, à durer comme une chinoise en tournant du boule sur ma chaise, tapant gaiement de menues galéjades. Et il a volé dans le chureau, fils de pute, me disais-je, au moment où mon fesson quittait la chaise.
Mon chureau fait peut-être 6m² mais va savoir pourquoi, c’est luxe, il a deux portes. Réfugiée côté couloir, le souffle court, je jette un œil à l’intérieur. L’enculé s’est posé sur ma canette de Coca Zéro. Je file comme l’éclair côté salon où j’escalade ma bibliothèque, vu que c’est là qu’on range la raquette électrique depuis que les enfants ont essayé de jouer avec…
Ma main rencontre ce qui s’avère être le coupe-coupe de Pute, la boîte à « encens » de Pute et le grinder de Pute, c’est Bogota là-haut.
J’entends voler le gros bâtard velu beaucoup trop près de mon oreille. Il me passe sous le nez, je me casse la gueule et je crie « nique sa mère la pute » attendu que j’ai arrêté ma chute sur un dinosaure en plastique. Je reste comme ça un moment sur le lino, à hurler de douleur. Je viens de perdre deux ans d’espérance de vie mais je me remets sur pieds en avisant le matériel projectile que j’ai à portée de main, puis je me rappelle que je sais absolument pas viser. Pas de raquette en vue, le frelon repasse dans le chureau.
Je sais pas si t’as déjà regardé un frelon qui cherche à sortir par une fenêtre, tu feras gaffe la prochaine fois et tu verras comme ça a l’air con. Eclair de lucidité, je me souviens d’avoir rangé la raquette sous le matelas. Mais le matelas se trouve pile entre le frelon et moi, et la raquette côté frelon, si je baisse la garde il me bute… et tout ce que j’ai en main, c’est un soutien-gorge d’allaitement. Je suis à deux doigts de me chier dessus de terreur, pour parler pudiquement.
Et puis le temps s’arrête un moment et je me revois courir dans tous les sens sur cette putain de berge avec Pute, cet été-là. Je revois sa sale face qui se foutait de moi quand je l’appelais à l’aide, je revois ce salopard me prendre en photo et j’ai compris que pour trouver en moi la force de buter ce frelon, fallait que je rassemble une colère comme seul mon mec sait m’en inspirer. En l’espace d’un instant, c’est Pute qui vole insolemment en face de moi.
« J’ai levé les yeux au ciel et là… j’ai vu la lumière. J’y ai baigné mon âme. »
Quand j’ai repris mes esprits, j’avais la raquette dans les mains, le frelon commençait à fumer sur le lit et j’étais en train de vociférer
« Meurs. Meurs. Enculé, MEURS. »
J’ai remis un peu d’ordre dans ma toilette et je me suis rassise à mon bureau. J’avais plus aucune idée d’où je voulais en venir avec mes phrases. Je me suis dit que c’est quand même formidable tout ce que l’amour peut nous faire faire, des choses dont on se serait jamais crus capables: aller dans la Creuse, élever des enfants et buter un frelon.
Texte très cool et marrant ; et dynamique. Tu rends bien l’intensité de la situation :-)
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En lisant ces lignes sur les frelons, il me vient une citation de MC Jean Gab1 :
« je t’emmerde, je t’emmerde, je t’emmerde. »
Non mais parce que jvois pas il faudrait rester courtois avec ces batards.
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J’ai eu la bonne idée de venir lire mes rss en me réveillant.
Merci tu viens de me mettre de très bonne humeur pour la journée.
Rire et terasser l’ennemi parce-que putain, yes I can!! Ca fait du bien
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Putain de frelon.
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Très bien écrit, merci!
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Et pourtant, ce n’est pas méchant un frelon… Il boit à la rivière, chasse depetits insectes. Il faut juste le laisser peinard et rien n’arrive. Sauf si le nid n’est pas loin. Il ne fait que défendre ses petits.
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VF aussi, finalement…
« Ca n’est pas méchant un Vieux Félin… Elle boit à la canette, chasse de petites insectes. Il faut juste la laisser peinard et rien n’arrive. Sauf si le chureau n’est pas loin. Elle ne fait que défendre ses écrits. »
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Tiens une revenante, kikoo !!!
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Bah bien sûr un pet frelon… Il sera pour moi unique au monde et je serai pour lui unique au monde…
C’est des NUISIBLES.
Qui tuent.
Alors raquette.
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Avoue la raquette électrique, c’est un vibro SM ?
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Quand un objet envoie du voltage, j’ai tendance à pas trop l’approcher de ma chatte, un vieux réflexe…
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C’est fou cette propension qu’ont nos moitiés à se foutre de notre gueule au lieu de nous aider lors de situations délicates.
Mais bon, s’il t’a inspiré et permis de de te débarrasser de l’ennemi insecte, c’est peut être que c’en est pas un, lui.
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Nan un frelon ?
Genre qui aurait pu te piquer et tout ?
T’as de la chance d’être encore parmi nous pour en pouvoir en parler !
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J’en ai puissamment conscience, ouais.
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Tu as essayé la raquette électrique sur tes marmots ? L’engin de beaufitude extrême par excellence.
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Ils ont joué entre eux.
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Merci pour ce grand moment.
Je me demande comment les frelons te suivent depuis la Creuse en fait.
Ça sent la vendetta.
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whoohaho elle a un frelon dans la calebasse la meuf’ .
moi j’dis qu’il vaut mieux l’avoir en lecture qu’au pieu, trop la flippée qu’elle est.
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…Smith d’en face ?
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Tu peux pas savoir comme ça me rassure que mes vieux lecteurs continuent de passer par là.
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Je dois avouer que j’avais arrêté pour plusieurs raisons, mais j’ai rattrapé tout mon retard en quelques jours. J’avais oublié à quel point c’était bon à lire.
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La vérité, ça fait plaisir.
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Je suis bien d’accord, les insectes c’est des connards.
Je m’insurge néanmoins contre une erreur factuelle.
Plus flippé que moi sur les bestioles volantes ou rampantes, y’a pas; pour te dire, je soupçonne chaque coccinelle de se trimballer avec des enveloppes d’anthrax et les papillons d’être des descendants directs du docteur Petiot…
Alors imagine quand j’ai appris que j’allais avoir le privilège douteux de bosser sur un énorme projet… en guyane.
Pour mémoire « La moitié de la biodiversité française est en Guyane : 29 % des plantes, 55 % des vertébrés supérieurs (mammifères, oiseaux, poissons…) et jusqu’à 92 % des insectes. »
Je suis donc parti armé de tout ce que 6000 ans de progrès technique ont pu produire en matière de lutte contre les nuisibles (vapo de napalm, grenades à fragmentation, taser), d’un stock de tranxène et me suis fait poser une dent remplie de cyanure, just in case.
Et là, sur place, rien.
Mais rien de chez nib: le truc le plus flippant que j’ai vu c’est un vermisseau (oui, les vers sont flippants, si vous en doutez regardez ça http://www.youtube.com/watch?v=8CL2hetqpfg ).
Donc tu peux remettre la Guyane sur la carte du tendre de ta géographie en toute sécurité.
Sinon, j’ai ri. Genre beaucoup.
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J’ai encore vu un cygne écrasé tout à l’heure, j’ai failli te filmer la carcasse.
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