Un jour en début de service, je regardais Hafid tourner en rond dans la salle vide des mercredis midis en mai, ventre en avant sur un tablier proprement inqualifiable de graisses et couteau en main, passer du bar à la cuisine, détour par la salle, la cave et les toilettes, soufflant bruyamment sa frustration, frustration qu’il n’allait pas tarder à défouler sur sa serveuse, employée en ces jours chômés pour les autres à faire la compta des tickets resto.
– Marylin, je sais pas ce que j’ai fait pour avoir une hamala pareille mais sache qu’on pourrait choper le choléra dans les toilettes. Une idée de quand tu vas te décider à les nettoyer ?
– Je les ai faites ce matin.
– Aroua, on va voir si tu les as faites ! Elle se fout de moi, en plus ! Espèce de Bouloulou.
– Tu y es allé entre-temps, c’est tout.
– Et alors ?
– Et alors il faudrait que tu changes d’alimentation, et puis que tu me paies sérieusement plus. Je suis pas assez payée pour être à ce point intime avec toi. Sérieux, va faire un tiercé tu me donnes le tournis.
– T’arrête avec tes phrases, là ? Putain, je sais pas quoi faire… Fais-moi un café. Non, un thé… Non… un Cacolac… Non… T’as fait le réassort du bar ?
– Ouais.
– Les moutardiers ?
– Mais oui.
– Je sais pas quoi faire…
– Normal, on est en plein mois de mai et t’as trois employés. T’as qu’à lire Les Versets Sataniques.
– Pas envie.
– Ouais, ça valait bien-bien le coup de me le demander pour Noël. Va emmerder les esthéticiennes d’à côté, va emmerder le commis, j’en sais rien, moi… Tiens, t’as qu’à aller au marché.
– Non, je sais pas ce que j’ai. Je suis pas bien. Je m’ennuie. On fait l’amour ?
– Non. T’as envie d’avoir envie d’un truc, sauf que t’es juste absolument vide de désir. Alors tu cherches un truc qui te fasse envie. Alors tu me fais chier. Le problème, c’est que t’as pas de désir. Et que tu me fais chier. J’ai qu’une envie c’est partir, de toutes façons y’a PERSONNE, y’a une vente privée à côté et donc ce serait bath si je pouvais me barrer avant que toutes les truies du 11ème y aillent avant moi et refaire mes horaires samedi soir en échange…
– Starfellah putain, t’as raison.
– Ah c’est sympa vraiment, parce que tu vois, y’a une vente Noa Noa justement. Tu comprends, je veux pas la rater.
– Non, putain. Je n’ai plus de désir. C’est exactement ça. C’est terrifiant, c’est comme la mort et le vide complet. Le trou noir. J’ai l’impression que je vais crever si je me mets pas à vouloir un truc tout-de-suite-maintenant, postillonne-t-il en me secouant comme un prunier.
– Mais je peux y aller ?
– La.
– Non mais sérieux ? Y’a personne dans ce restaurant et on va faire six couverts jusqu’à 15h, tu le sais comme moi.
– Nan. T’as pas d’argent.
– La faute à qui, bordel ?
– Tu sais ce qui te reste à faire pour en avoir…
– HELLO INCEST, plutôt crever. T’as faim à ce point-là ?
– Non. C’était un test.
– Un test, ouais…
– Ouais.
Il avait tout compris celui-là. Peut-être que, sans aller comme lui jusqu’à envisager le harcèlement sexuel comme une marque de politesse arguant du fait qu’une femme heureuse est une femme désirée, je crains de n’avoir pas assez profité de toutes les propositions graveleuses d’Hafid, propositions plus ou moins bien accueillies qu’il jugeait bon de faire à n’importe quelle femme qui croisait son chemin. Il fallait jouer le jeu avec lui au risque de le vexer sincèrement, et lui renvoyer du désir en politesse. Mimer l’amour latin. À 23 ans, je n’en avais pas besoin mais aujourd’hui ça me manque, ces expédients de coïts furtifs…
J’hésite à l’appeler juste pour l’entendre me dire des horreurs et que ça me rassure, et que ça me fasse sourire, et que je puisse faire semblant de m’offusquer gravement en brandissant l’outrage comme une gauchiste mal baisée.
Non pas que je sois mal baisée.
Je suis mal baisable. Je peine-à-jouir. Et je sais que là, as Pute dirait c’est EXACTEMENT comme le froid, c’est dans la tête. Je suis détraquée du désir. J’ai la malbaisablance qui m’opprime.
Portrait d’une nouvelle pathologie…
On me permettra dès lors de passer de la première personne du singulier à « le sujet » avec l’espoir que ça ajoute un décomplexant crédit de façade aux propos de l’auteur.
Chez le sujet féminin atteint de malbaisablance, dont la définition pourrait se résoudre à la perte d’un désir dirigé vers les individus au profit d’un désir pour le désir, on constate six manifestations premières.
– L’absence de désir envers tout être incarné : C’est le cœur palpitant de la malbaisablance. Aucun désir envers qui que ce soit et paradoxalement dans le soucis d’en susciter, un désir pour le désir qui éteint la chatte à petits feux.
– Un besoin compulsif de séduire : Même si le sujet n’a pas l’ombre d’une proie en vue, elle passera malgré tout un temps infini à s’enduire, se maquiller et se coiffer comme la dernière des dernières, même si le seul récipiendaire d’une telle œuvre se trouvera être son écran Samsung.
– Une propension à l’attention whorisme : Si le sujet n’atteint pas l’apaisement espéré par l’électronique coréenne ( japonaise?) , elle pourra alors s’adonner à une pratique des plus avilissantes qui consiste à poster plus de 4 photos par jour d’elle-même sur son réseau social préféré. Qui nous amène donc au point suivant.
– L’Instagram qui en veut : aboutissement digital des manifestations de la malbaisablance, l’instragram qui en veut – utilisé en photo de profil – consiste en un cliché de soi-même ultra maquillée et filtré deux fois, prise sur un lit pour insinuer que le sujet est bonne aussi au réveil. C’est qui est faux, en général.
– La drague agressive : Le sujet n’hésitera à ressortir les bons vieux classiques tels que « T’es chou, on baise ? », le tout résidant dans la concision, voire le minimalisme des travaux d’approche se résumant plus que de raison à des échanges sans complément d’objet direct et d’une débauche d’impératif.
– La baise vache : Suite logique de l’étape précédente, le sujet se met à te baiser comme si elle allait te tuer, ne prenant elle-même qu’un plaisir parfaitement mitigé et parasité par tout un tas de trucs cruciaux comme le rachat de Mousse Boucles Jean-Louis David et l’épisode 5 de Dexter, ne te foutant la paix qu’une fois tu lui auras confié un quart de ton poids en sperme.
Voilà, pour l’instant, je vais pas développer plus avant mes premières conclusions ; je sais pas si c’est définitif et comment guérir de la malbaisablance. Cela dit vous avez peut-être des idées, j’avoue que sur le coup, je suis preneuse.
J’ai essayé la technique « je lui en parle ». Ca marche pas mieux…
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C’est mal accueilli la plupart du temps.
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J’ai connu une période d’agueusie globale comme ça. Pas le goût, pour rien (même la bouffe : on ingère des quantités mais tout a goût de carton ou presque) sauf de trucs hyper autocentrés. Moi. Mon nombril.
C’est souvent associé à une perte de goût pour autre chose que le corps. Les autres. La vie. L’actu. Les activités sociales.
J’ai pas trouvé comment refoutre un tigre dans le moteur. C’est venu tout seul. De l’extérieur. Et pas par l’entrejambe. C’est venu d’un tas de petits trucs du quotidien. C’est pas définitif. Mais c’est une crise (un peu ?) plus profonde que juste le plumard.
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Beh je sais pas si c’est plus profond que mon plume mais c’est le contraire d’un désintérêt, je suis obsédée par le sexe.
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On peut avoir une obsession sans objet. C’est ça le pire. Un truc pas canalisé. Pas cristallisé. Mais grosso modo le blème est tailleur. Comme la vérité.
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Oui mais ça ne touche pas, par exemple, les autres domaines que tu as cités. Merci Mulder, je vais commencer à chercher.
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Alors c’est moins grave que ça et c’est tant mieux, Skull-e.
Mais ça fait pas avancer ton enquête.
Il faut peut-être que tu (re)trouves une personne surprenante. Pas pour mettre au lit, pas forcément. Qui te déboussole. Dans ton quotidien, dans tes certitudes. Qui te mate. Pas qui te zyeute, mais qui te fait faire des trucs. Par la conviction. Ou par aura. Genre un taulier de restau (you know).
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Dépôt des candidatures: 30/10/12-30/11/12.
[vieuxfelin(@)hotmail(dot)com]
Joindre CV, lettre de motivation, photo de passeport, dernier relevé d’imposition.
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La ménopause c’est moche…
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Putain quand je demande conseil, là, y’a plus personne.
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C’est parce que personne n’a envie de reconnaitre qu’il est dans le même état d’esprit.
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C’est pas parce que qu’on suit pas ses propres conseils qu’on doit se retirer le droit d’en donner, regarde-moi.
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Mais… Merde alors… J’suis contaminée moi aussi… Merci doc VF pour le diagnostic, et du coup je prends les solutions aussi!
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Et comme tu peux le constater on croule sur les avis éclairés. C’EST UNE HONTE. Vilains. Je pense à toi Gentil Organisateur et à toi, le canon à neige…
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Je sais pas trop, Vieux.
Je suis un peu trop désinvolte pour être malbaisable, maybe. Même point par point, je vois pas : je suis pas attentiontruc là, le désir ça biche, je ne drague pas particulièrement et j’ai un 3310. Je suis pas qualifié déprimes et je prétends pas l’être : quand j’ai un dièse je m’aménage un temps de réflexion en mélangeant rhum et weed et en 48h je passe à autre chose.
Faut bien qu’il y en ait pour montrer l’exemple.
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Personnellement je me suis assez reconnue dans le conseil de chaisplusqui (sorry, la flemme de remonter jusqu’à ton commentaire surtout 15 jours après), y m’faut quelqu’un qui me ferait vibrer… Je cherche pas à draguer ou à bitcher mais à ce qu’on me fasse vibrer et m’est avis que c’est pas demain la veille!
Je valide la thérapie alcool-weed du commentaire ci-dessous/dessus je sais pas, sauf que moi c’est Heinekein-weed (ouaiiii gros), et sauf que SURTOUT putain de sa race j’ai emménagé à 100kms de là où j’étais avant et j’ai aucun fucking réseau donc autant te dire que j’ai même plus de weed, c’est la lose totale et profonde!
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Et la tehon sur moi, c’est Heineken et pas Heinekein (oui je tatillone)
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Et sauriez-vous imaginer quelque chose qui vous satisfasse réellement et pour un certain temps ?
Et sinon autre question, est-ce que ce désir de désirer n’est pas un désir de retrouver un passé évanoui ? Car on pourrait croire qu’en fait vous ne voulez pas accepter que vous ne désirez plus (ce qui est sans doute temporaire, ceci dit).
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Non, j’attends un truc irréalisable mais pourtant légitime et je suis sûre de ne pas être la seule, je cherche une sexualité épanouie plus de deux semaines.
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Si c’est vraiment irréalisable alors ce n’est pas légitime et il faut abandonner l’idée pour obtenir la paix de l’esprit. Mais je pense qu’au contraire, si vous dites que c’est légitime, c’est plutôt pour dire que ce n’est sûrement pas si irréalisable que ça, juste compliqué (très).
Au-delà des ces paroles à la con je ne me sens pas capable de vous donner de conseils.. Je demanderai à ma femme si elle a une sexualité épanouie et si oui de venir mettre un message.
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Mais voyons, la solution est simple : tombe amoureuse !
(et mettre une photo de soi en avatar, ça compte comme de l’attention whorisme ou pas ?)
Bon ceci étant (blague à part, quoi), à la vue de tes symptômes je te sens (enfin) mûre pour t’investir sérieusement sur twitter (il était temps, putain…)
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Ah bah forcément ça compte, ça permet aux ex de se rendre compte de ce qu’ils/elles baisent plus.
J’aimerais bien tomber amoureuse ceci dit même si j’ai vraiment peu de place mais avant si tu veux bien m’expliquer Twitter, effectivement je crois que je me sens prête.
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Twitter j’ai pas vraiment compris, mais Touitteur c’est assez simple : tu te trouves un créneau bien bulshit (moi j’ai choisi les cheveux, l’autofellation et tout récemment les joggings) et tu flood dessus. Au final, les gens qui supportent ça, ou mieux ceux que ça amusent, deviennent tes amis pour la vie (tu peux même coucher dans le meilleur des cas). Avoue que c’est tentant, quand même….
Par contre, si tu te mets à touitter sérieusement, préviens moi avant…. que je te refollow ;)
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Il me faudrait un wingman. Un gars capable de me sortir les do’s et dont’s…
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Même période pour moi. Je met sur le compte de « je reconstruis mon estime après avoir été prise pour une tige mais je suis quand même trop fragilisée dans mon égo pour faire confiance à quelqu’un au point de le désirer et de me laisser faire jouir », c’est déjà toujours mieux que mes deux ans précédents « je trouve une bouteille de Gin plus excitante qu’une bite ». Et pourtant je suis jeune, donc c’est pas une nostalgie du passé ou un effet de l’âge. Je connais pas encore l’étape suivante, j’ose croire que l’appétit viendra en mangeant, et qu’en me forçant à « prendre mon temps penser à rien agir comme si ça allait » ça ira à nouveau.
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(hoche la tête, poing en l’air)
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Pour moi, la solution à tous les types de déprimes c’est la régression… C’est pas forcément un truc que je recommande, mais ça marche sur moi. J’appelle 3 ou 4 potes que je connais depuis les années pustules, et on se met une bonne vieille race multivitaminée en marquant notre territoire canidé-style dans les chiottes des lieux sociaux qui nous croisent. Ça a l’effet de rappeler à moi les années où les seuls trucs qui m’empêchaient de suinter le désir étaient les comédons qui bouchaient mes pores… Un downgrade salutaire, inspiré par la meilleure solution aux problèmes sous Windows.
Du coup, le lendemain, quand mon âge réel me met une misère punitive alors que j’essaie d’aligner mon mug avec ma bouche, je me dis que la vie c’est pas tant de la merde que ça, et je recommence à kiffer sur la stagiaire, à vouloir aller au grand palais quand j’aurais le temps, et à attendre le prochain Will Ferrell. Le sens de la vie, quoi.
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Haha, j’avais pas lu ça…
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Le besoin de séduire… Et bah putain, celui là je lui tirerai bien trois balles dans la tête. Ça fait chier. Ça demande trop d’entretien. C’est fatiguant au possible. Ça attise la jalousie du partenaire – si partenaire il y a.
Un jour je sortirai en pyjama troué et sale, dans la rue. Ce jour là, je me serais vaincue.
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Je sors tranquillement d’une période comme ça, disons de quelques mois. Au début j’ai tout remis en question, pis après j’ai laissé faire. Je me suis concentrée sur autre chose, puisqu’autre chose semblait m’appeler. Je me suis concentrée sur l’écriture, je me suis plongée dans plein de romans, dans le visionnage de séries. En fait j’ai pris vachement de plaisir à faire tout ça sans plus me poser aucune question, et du coup, le désir est revenu tranquillement, puis de plus en plus fort.
Je sais pas mais avec les mômes et tout, on pense rarement à soi, au bout du compte, et ça m’a fait du bien de stopper le truc et de ne penser qu’à ce que moi je voulais … Et il se trouve qu’à ce moment-là, j’avais pas du tout, mais alors pas du tout envie de cul. Plus tu vas y penser, plus ça va t’obséder à mon avis.
Alors que merde, chais pas, on est pas des machines quoi …
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J’ai lu à partir de l’escargot, mes yeux ont mieux focalisé à partir de cette magnifique estampe.
Déjà la malbaisablance, est en soi un symptome. Le terme en lui-mème. Pour une amoureuse de la langue comme toi, malbaisablance…tsss tsss
malbaisance voila un terme qui va droit au but, qui a un rythme.
malbaisablitude aussi si tu tiens au radical « baisabl ».
Que nous apprend ce symptome ? que ce n’est pas que la baise qui est touchée, c’est la libido toute entière. Allez on ne me la fait pas, s’il vous plait, merci.
L’écriture est une activité érotique.
La baise c’est chiant. A force.
Gainsbourg qui ne disait pas que des conneries, mème si c’était souvent trés bien imité, a dit « l’amour physique est sans issue ».
C’est pour ça qu’on a inventé « faire l’amour ».
Bref. la prescription.
IDEATION. Au lieu de baiser comme une violente, astreins-toi à ne te servir que d’une partie de ton corps, la bouche par exemple, ou la main, et pendant un quart d’heure (subjectif, le chrono n’est pas nécessaire) , tu dois faire passer l’amour que tu éprouves par ce média.
C’est un exercice, le plaisir et le désir ne viendra pas tout de suite.
En tant qu’hygiène de vie :
réduire les drogues en général, manger correctement, dormir convenablement.
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Les hormones contraceptives ont ça de contraceptif sur moi qu’elles me contrent surtout la libido.
Sinon prendre nos libidos en otage c’est aussi un peu un des ressorts de la publicité en général. « Je ne veux pas baiser : j’ai besoin de posséder ».
Mon cocktail perso : Weed + sterilet.
Le shit me ramomolle, la weed m’excite.
Quant à l’effet du stérilet, j’sais pas l’expliquer, mais ça fait mouiller, alors peut-être que le reste suit.
Évidemment ce qui fonctionne chez moi (ou dysfonctionne, d’ailleurs) ne le fait probablement que chez moi, mais comme ce billet demande des idées… ce sont les miennes.
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