Papa,
J’ai froid.
Et je voudrais changer. Arrêter d’avoir aussi peur et d’être en colère autant.
Vingt ans sont derrière moi ; je regarde du jour de ta mort au dernier jour du monde. C’est aujourd’hui, je l’ai su en 2002 que ça serait ce jour-là, en offrant un calendrier Maya à mon amoureux du moment, qui était vachement branché ska, cocaïne et tout ce qui avait attrait à Manu Chao, aux Illuminati et au Protocole des Sages de Sion. En 2002, je me disais j’ai le temps de penser au 21/12/2012, là j’peux pas je suis en train d’apprendre à faire du shit moi-même avec deux sacs, des glaçons et un batteur électrique, d’t’façons y’a peu de chances que j’assiste à ça. Impossible de me projeter plus loin que la semaine qui suit.
Aujourd’hui, je suis nerveuse. Je suis tout le temps nerveuse depuis quelques semaines. Et donc je regarde ce que j’ai fait et ce qu’il s’est passé depuis ta mort.
Mitterrand est mort, déjà. C’est la première chose qui me vient à l’esprit.
Ton père aussi, il a fini par nous laisser entre nous, il y a quelques semaines.
Moi, j’ai regardé le temps passer sans jamais vraiment me mêler au monde, sans ouvrir mon courrier et j’ai observé les gens.
Et puis, comme un peu avant de mourir, tu m’avais dit que si tu pouvais te chier dans la main, tu l’étalerais bien sur ma gueule de petite merde, eh bien j’ai passé les vingt ans écoulés à faire en sorte de te donner raison.
Ma psy m’a dit, il y a longtemps, que la seule façon pour un enfant de rendre acceptable l’inacceptable, la seule façon de comprendre pourquoi son parent le bat ou l’agonit d’injures, la seule façon de rendre cette chose acceptable c’est de se croire responsable et de donner raison à l’homme à l’autre bout de la main.
Donc tu vois, je me déteste avec une application carrément hitlérienne. Je me déteste à un point que ça m’empêche parfois de respirer et ces soupirs de soulagements que je pousse chaque fois que je laisse mes enfants à leur père, à l’école ou à leur grand-mère, ces soupirs flagrants qui me font souvent passer pour une mauvaise mère, ne sont en fait rien d’autre que le soulagement de les savoir protégés de moi-même.
Et quand je respire, c’est que je peux enfin baisser la garde, être moi-même sans me préoccuper de faire mal à quelqu’un que j’aime.
Je vis comme ça. Aimant mal montée à l’envers. Avec pas mal de gens qui ne m’aiment pas, parfois à raison : Claudine le Dédale, ma belle-mère, les hommes que j’ai aimés le plus désespérément, les impôts, ma banque, l’ophtalmo de mon fils et mes voisins, pour ne citer qu’eux.
C’est ta mort qui m’a présentée à l’écriture, lorsque trouvant tes carnets, je découvrais la plume acerbe de mon père et ton sens de la phrase. Alors je t’ai pris l’écriture et soyons honnêtes, j’écris mieux que toi. Je l’aime plus que toi. Mais à part ça, quoi ?
Je sais plus DU TOUT où je voulais en venir, dis donc… C’est pas tant une lettre qu’une suite de phrases sans lien les unes avec les autres. Tant pis, hein. Je te le fais comme ça sort, tu remettras dans l’ordre.
Voilà. VOILA.
La seule chose que j’aime chez moi, elle vient de toi et t’y es pour QUE DALLE alors que dans toutes celles que je déteste, t’es guilty as charged. C’est absurde.
La vie est trop absurde pour moi. Et du coup y’a plein de trucs de la vie que je ne comprends pas et que je ne peux pas faire. Bien qu’elles soient communément admises par la majorité de la population. La liste est trop longue et embarrassante pour être énoncée en public.
Le monde ne va pas s’arrêter de tourner aujourd’hui mais putain de merde est-ce qu’un jour je vais y comprendre quelque chose ?
Amitiés,
Vieux Félin
Putain !
Si seulement tu te voyais comme je te lis…
Des baisers.
Merci
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(smilay)
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(et c’est pas pour flatter ta mégalomanie…)
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Alors c’est pour me baiser?
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Je ne baise plus depuis 1983…
Mais pour toi, je ferais peut-être une exception (si et seulement si tu me fais D’ABORD la lecture)
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Je lis très bien la rubrique nécrologique et les éphémérides.
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Je céderais (faut un futur ou un conditionnel ici ?) uniquement si tu me lis les annonces légales de Paris-Normandie.
Ou un roman de toi.
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(faut savoir s’arrêter à temps)
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(à temps pour moi)
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Menteur
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o7
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Utilise des mots.
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C’est censé représenter un salut, une vague forme de respect chez moi. Pas besoin de mots.
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Ho un lapin blanc, Ginette, épluches les légumes j’ai une viande pour ce soir, et 1 cable pour réparer la guirlande – et celui là garanti …il fera pas d’étincelle !
Sérieux quand j’te lis lap1blanc, je me sens tellement mieux moi mème.
Merci pour l’ensemble de ton oeuvre.
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Mince…Pour nous qui avons eu une enfance normale ou heureuse à peu près, c’est pas toujours facile de comprendre, mais quand même tu expliques bien, malheureusement…
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Bah non, vraiment pas de mots vieux désolé. juste <3
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Touchée ! Je suis sure que tes nains n’auront jamais à subir ce que ton satané daron t’a fait et/ou dit…JOYEUX NOEL, Vieux Lynx ! La fin du Monde n’aura pas lieu.
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Parfois, y en a, ils savent pas trés bien dire je t’aime. Y a un petit feu , là tout au fond, et personne leur a donné connaissance de la manique, alors quand ils veulent le faire sortir et qu’ils le prennent dans le creux de la main…
bah ils se brulent, ils referment le poing et te tendent un bout de charbon en gueulant, et c’est ça leur amour.
Faut pas faire attention aux détails, faut juste se souvenir de l’étincelle, savoir qu’elle a été là.
Un peu comme les conneries que les momes te rapportent de la maternelle.
Un truc que certains parents apprennent à faire pour leur progèniture casse-pieds, c’est à s’aimer un peu, petit à petit, pas pour eux, mais à cause de l’écho. Ce son adouci qui revient.
ce genre de truc. Et la manique.
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Vrai Vieux, wahoo la métaphore du charbon ardent. Tellement juste.
Quand on n’a pas appris à dire je t’aime, à jongler du sentiment, ce petit feu dont tu parles, il est pas si minus, il couve là, prêt à s’embraser au moindre atome d’oxygène, alors il brûle les pognes et le coeur dégueule dans les aigus. A noel, qui te tricotte des maniques ?
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Et ceux qui n’ont pas les mots pour dire cet indicible, qu’est ce qui leur reste que la corde ou la haine. Envers le monde entier?merci VF ça m’aide à comprendre un peu mes ados en perdition à l’approche de ces foutues satanées fêtes de Noël…
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Décidément… Tu ouvres des choses chez moi que je ne voyais pas, mieux qu’un psy chez qui il me faudrait décider à aller…. Moi on ne m’a pas fait autant de mal mais je pense avoir le même manque d’amour paternel qui t’en lève toute confiance, tout amour de toi-même… On pourra pas dire qu’on est imbues de nous-mêmes au moins, mais putain c’que c’est chiant, et puis personne te comprend jsuis sûre…
Bref, VF je ne te connais qu’à travers tes écrits que je trouve toujours justes / touchants / drôles au choix, mais pfiouuuu… Courage à toi vieil animal, je te bise virtuellement!
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Je sais plus qui a dit: « c’est toujours les meilleurs qui se barrent en 1er ».
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« c’est pour ça que j’ai choisi d’être pourri pour rester »
© Svinkels
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Je pense que c’est mieux, ailleurs. Pour ça que les moins cons s’y barrent.
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Vis-à-vis de tes petiots, de quoi as-tu peur ?
De la gifle aller-retour automatique et viscérale ? De renverser une casserole d’eau bouillante sur leur passage ? De les faire s’agenouiller sur des grains de riz ou une règle ? De leur mettre la tête sous l’eau en comptant jusqu’à mille ? De préparer la sauce bolognaise en leur faisant mettre leurs petites menottes dans le mixeur ?
P.S. Si ton hypothétique psy a vraiment sortie la connerie que tu cites : il faut qu’elle augmente sa dose quotidienne d’Aldol de 10mg au moins. Ou qu’elle change de métier : carreleuse, panasseuse ou bambrocheuse , par exemple.
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Pas d’accord avec toi le touriste, sur l’histoire du psy. Ayant moi-même eu des parents pas franchement cool, pour euphémiser, je me reconnais complètement dans ce que dit le psy, je ne sais pas si c’est le mécanisme emprunté par tous les enfants à l’enfance difficile, c’est en tous cas complètement ce que j’ai fait. Et qui me pourrit la vie encore aujourd’hui, à plus de 30 ans.
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Voilà je pense qu’il y a deux hypothèses soit la connerie du propriétaire de ce commentaire est effectivement abyssale ou « éthylique » pour parler pudiquement, soit c’est un enfant battu qu’a HYPER bien vécu le truc, quoi. Le champion de la résilience, en quelque sorte.
Alors là sens-toi libre de m’expliquer ton mode de fonctionnement, comment on peut ne pas craindre de reproduire?
Moi, j’avais peur de les tuer, mes enfants. Ça m’arrivait y’a encore quelques mois et puis maintenant plus. Mais j’ai toujours peur des mots que j’emploie parce qu’ils me rappellent quelqu’un. Et de la violence qui me prend aux tripes quand ils me chient dans les bottes, et soyons honnêtes, quand des enfants sont en bonne santé, ils énervent souvent, parce qu’elle me rappelle quelqu’un. J’en ai peur parce que je sais d’expérience qu’on peut batttre son enfant en l’aimant. Que l’amour protège pas de la violence.
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Résilience ne signifie pas absence de douleur résiduelle (physique ou psychologique) ni cicatrice plus ou moins profonde.
« Con » je le suis peut-être. « Alcoolo » sûrement pas : j’aurais été bien incapable d’aligner deux mots intelligibles même si ma diatribe ne fait pas l’unanimité.
Je reconnais que j’y suis allé un peu fort. Mais je n’ai pas voulu minimiser ton malaise/ton mal-être/tes doutes ou autres maux de ton choix : seulement que tu exposes CLAIREMENT tes peurs vis-à-vis de ta progéniture. C’est chose faite.
Avoir envie d’écorcher vifs ses enfants : plus d’un parent en rêve (très fort !) à un ou plusieurs moments donnés, sans passer à l’acte pour autant. Ca tu le sais déjà. La peur et le malaise sont détectés plus ou moins tôt par les mômes et ne peuvent le comprendre que bien plus tard (quand ils y arrivent). Nous le savons bien aussi, n’est-ce pas ?
Bien que la distanciation (mère-enfants dans ce cas) ne soit pas de la maltraitance, elle fait pourtant, lentement, insidieusement, des dégâts bien réels, de part et d’autre. C’est peut-être la moins mauvaise solution. Mais il y a un prix à payer. Toujours.
Si j’ai bien compris : ce qui te fais VRAIMENT peur c’est la perte de contrôle (le tiens, de contrôle). Tes angoisses semblent se nourrir elle-mêmes : j’ai peur de cogner mes enfants car je les aime mais cette trouille me fait passer pour une mauvaise mère à mes yeux et ça me rend en colère contre eux mais j’aime mes enfants, j’ai peur de les cogner, etc. Toutefois, est-ce que « peur de cogner = risque de cogner = cogner tout-court » ? Est-ce que cette égalité est VRAIE ? J’estime que cette question est aussi pertinente que « maltraitance reçue dans l’enfance = maltraitance distribuée une fois adulte ? ».
Et il y a une constante que tu oublies dans l’équation : ton compagnon, le papa de tes enfants. Même si tu l’affubles d’un sobriquet peu glorieux (par taquinerie je suppose) il est bel et bien présent. Non ? S’il est incapable d’apaiser tes angoisses, il peut peut-être canaliser/contrôler/freiner d’éventuelles pulsions.
Quant au psy : il/elle ne dit pas que des conneries; j’en conviens. J’ai juste une dent (acérée) contre cette « caste » (pas contre la profession elle-même qui fait ce qu’elle peut face à la cervelle humaine). Cette caste championne du « Freud-Jung-Lacan-Moncul dit que… », « choisissez l’ « école » qui vous convient le mieux » [authentique], « 10 mg matin-midi-soir », « je ne m’occupe pas du reste », « ça fait 300 francs, à la semaine prochaine ». Je sais, c’est très caricatural mais la caricature n’est pas forcément un mensonge.
Bref, comme tu l’as déjà pressentie : pour aller mieux ou guérir (?) ou éviter de sombrer il faut chasser le non-dit. Sans être une véritable thérapie, ce blog en est la preuve. Me trompe-je ? Mais continuer de consulter un professionnel (quand c’est possible) – ils ne sont pas tous « mauvais » mais les sérieux et un petit peu empathiques sont difficiles à dégoter – est le plus indiqué pour cracher le morceau (gros, je n’en doute pas), mettre des mots sur les choses et mettre les choses au point pour éviter de les mettre aux poings. [Mauvais jeu de mots, je sais. M’en fous, j’ai pas honte.]
Gros poutoux baveux bien que virtuels.
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C’est assez ignoble quand même, que la seule solution pour rendre acceptable l’inacceptable, soit de se sentir responsable et coupable des accès de violence de son parent cogneur.
Pour un type qui a vécu l’exceptionnel – une enfance heureuse – c’est juste incomprendabeul. J’ai été élevé à base de « tape pas sur ton petit frère, la violence c’est pour les faibles et les lâches ». C’est dire ce que je pense de ceux qui cognent leurs mioches.
Pour ce qui est de la peur de devenir violent, il me semble que beaucoup, beaucoup de parents l’ont, sans pour autant en avoir eux-même été victimes dans leur enfance. La violence fait partie de nous, tout le temps, et c’est vrai que la refouler est un combat souvent inégal en fonction des gens et des situations.
Mais pour faire simple, ceux qui n’arrivent pas à refouler leur violence, soit ils la canalisent pour la défouler sainement, soit ils devraient se retrouver en camisole.
Bref.
Allez, Joyeux Noël quand même, à toi et aux tiens, pour ce que ça vaut ! :)
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De quelqu’un qui se hait consciencieusement depuis les insultes plus que nombreuses de sa mère, un salut. Un simple salut.
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« Ma psy m’a dit, il y a longtemps, que la seule façon pour un enfant de rendre acceptable l’inacceptable, la seule façon de comprendre pourquoi son parent le bat ou l’agonit d’injures, la seule façon de rendre cette chose acceptable c’est de se croire responsable et de donner raison à l’homme à l’autre bout de la main. »
Ah c’est donc ça…
Je peux pas expliquer ici – ça serait trop long et puis c’est toi la taulière – pourquoi mes tripes s’embrasent en lisant ça aujourd’hui, en comprenant ça le putain de 25 décembre mais tu auras quand même sacrément changé ma vie.
Quand je pense qu’on ne s’est jamais rencontrées…
Bon bah… boujous. Du fond de mon putain de cœur fêlé.
Et des boujous aussi du fond de ce cœur-là à Max. Je peux compter sur toi pour transmettre ?
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J’ai tué mes parents.. Symboliquement bien sûr, la rate n’ayant jamais été mon lieu de villégiature de prédilection.
Depuis que je suis orpheline je me sens infiniment mieux. Le chemin parcouru a été long et douloureux, j’ai bossé comme une folle pour faire ce choix.
Et c’était le seul possible…
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J’ai peur aussi. Tu l’exprimes évidemment mieux que moi.
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Putain, et moi qui voulais poster une connerie…
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Oh tiens. Je ne savais pas si je devais te croire ou pas vus tes autres articles. Toujours dur de savoir si tu es sérieuse ou pas.
Cet article me rappelle beaucoup mon blog. Et la volonté que j’avais de parler de mon père. Je. Comment puis-je en parler ouvertement ? Ai-je le droit de le dénigrer ? Est-ce que le monde des internets doit savoir ?
Tu me montres qu’on peut le faire avec simplicité. Merci beaucoup. Je suis touchée.
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On dirait bien qu’on est plusieurs à vous remercier d’avoir écris ces maux là.
*Ouch*
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